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     université Poitiers                                                                                            CAPS

 

 UNIVERSITÉ DE POITIERS

École Doctorale « Cognition, Comportements et Langage(s) » (ED 527)

Laboratoire Clinique de l’Acte et PsychoSexualité (EA 4050)

 

Nathalie PERNET

THÈSE

En vue de l’obtention du

Doctorat de Psychologie clinique

 

Étude clinique du rentissement psychique du suici de la figure paternelle sur le processus d'adolescence

 

Thèse dirigée par

Pascal-Henri KELLER

Et

Marion HAZA

Présentée et soutenue publiquement

Le 20 novembre 2015

Composition du jury :

Monsieur le Professeur Pascal-Henri KELLER, Directeur de thèse Université Poitiers

Madame Marion HAZA, Co-Directrice de thèse, Maître de Conférences Université Poitiers

Madame le Professeur Marie-Frédérique BACQUÉ, Rapporteur Université de Strasbourg

Monsieur le Professeur Florian HOUSSIER, rapporteur Université Paris 13

Monsieur Patrick BEN SOUSSAN, Pédopsychiatre

Centre Régional de Lutte contre le Cancer, Marseille

Monsieur Jean-Jacques CHAVAGNAT, Pédopsychiatre

Centre Hospitalier Henri Laborit, Poitiers

Monsieur le professeur Daniel DERIVOIS, Université de Bourgogne Franche-Comté

Madame Nathalie De KERNIER, Maître de Conférences, Université Paris 10

 

ANALYSE DES DONNÉES CLINIQUES

Je rappelle que la présentation des rencontres cliniques des adolescents de ma recherche concerne l'étude clinique du retentissement psychique du suicide de la figure paternelle sur le processus d'adolescence.

Dans cette dernière partie, j’analyse les données des récits, recueillies auprès des cinq adolescents endeuillés de leur père. En suivant l’élaboration des hypothèses, je propose une discussion sur les spécificités du deuil à l’adolescence.

Dans un premier temps, l’analyse thématique rend compte des caractéristiques spécifiques de la construction de la représentation de la mort, la clinique du traumatisme psychique et la clinique du deuil.

Je retrouve chez les adolescents orphelins, participant à l’étude clinique, d’une part l’emprise de l’objet d’amour primaire : le père est plus présent mort que vivant dans la vie psychique de chaque adolescent orphelin. C’est la haine. L’adolescent continue d’en vouloir  à l’objet d’amour disparu, mort. Ainsi, le premier thème est celui de « l’effroi et de la confusion ».

D’autre part, le récit des adolescents orphelins témoigne le manque de l’objet d’amour, les failles de leur histoire, parfois les violences subies au cours de leur enfance et de leur adolescence. L’acte suicide du père renvoie les adolescents à l’expérience de l’abandon. Le second thème aborde le « sentiment de culpabilité et de honte ».

Dans un second temps, l’analyse des données cliniques se caractérise par l’étude des réactions spécifiques de chaque sujet adolescent, confronté à la mort du père.

A. ANALYSE THÉMATHIQUE

Thématique 1 : Effroi et confusion

Le récit des adolescents, confrontés à l’acte suicide du père, rend compte de la confusion qui agite leur vie psychique, conséquence de la confrontation à la violence extrême du père qui se tue. Christopher, Perrine, Éline et Iris témoignent de cet affect particulier qu’est l’effroi, qui renvoie aux pulsions d’autoconservation, de « voir » la scène et le corps.

Pour lutter contre l’effraction du narcissisme, comme Œdipe qui s’aveugle pour ne plus « voir » ce qui touche l’irreprésentable et l’insupportable du destin de ses objets internes lorsqu’il prend conscience d’avoir tué son père et couché avec sa mère, le sujet adolescent orphelin, dans un mécanisme de défense psychotique, lutte contre la menace d’effondrement.

La lutte, face à l’expérience de l’effroi et à l’expérience de la confusion, ne lui permet pas de symboliser cette situation traumatique.

Une spécificité du deuil se dévoile, dans la perte des idéaux du sujet adolescent, perte des illusions par rapport à l’objet d’amour, porteur d’idéaux à l’adolescence. La question de la construction narcissique et identitaire, au centre du processus d’adolescence, interroge l’idéal du moi qui préexistait à l’acte suicide du père.

« Et en rentrant à la maison, il m’avait emmenée dans le garage, pour me montrer la corde qu’il avait achetée. Elle pendait au plafond avec le nœud. Et, il m’a dit : « Un jour tu me retrouveras pendu ici en rentrant du collège. « Il m’avait dit ça, comme ça ! Je m’en rappelle ! C’est quelque chose qui restera toujours dans ma tête… Et puis tous les soirs, quand je ne voyais pas sa voiture, il fallait que je passe par le garage. Pendant quinze jours, je suis passée sous cette corde accrochée. Ça fait très mal. Ma mère a été obligée de l’enlever parce que moi, je pouvais plus. Ma mère lui a dit : « ça perturbe Éline, tu n’es pas bien. Tu perturbes Éline. Va te faire soigner ! ... Avec son décès, c’est une des parties les plus dures de ma vie. Je suis soulagée de ne plus entendre ça... Le matin en ouvrant les volets, je regardais si sa voiture était là. Il partait tous les jours très tôt. C’était ma peur, ma hantise. C’est quelque chose qui m’a détruite. Ma jeunesse a été perturbée. J’ai grandi trop vite. Dans ma tête, j’étais pas libre. Je pleure souvent, j’y pense souvent, à ses paroles de menaces ».

Je propose le témoignage d’une jeune fille orpheline de sa mère morte après suicide, recueilli sur le site Atergatis :

« Ma mère s’est pendue dans un moment de folie, quelques jours après que mon père ait demandé le divorce. Je savais qu’elle était fragile mais je n’imaginais pas qu’elle puisse faire ça. Puis ensuite coupure totale avec ma famille, déménagement, changement de lycée, d’amis… nouvelle vie. J’ai parlé le moins possible de cet événement, jamais avec mon père et très peu avec mes amis. J’étais seule avec cette montagne de douleur que personne ne pouvait comprendre. Je n’étais pas vraiment triste, pas vraiment en colère non plus, je savais pas ce que je ressentais, je crois que je ne ressentais plus rien en fait. J’ai commencé à me détruire lentement : fumer, boire, conduire en état d’ivresse, me scarifier (…) il y a une partie de moi qui s’est cassée ce jour là ».[1]

Revenons au récit des adolescents qui participent à l’étude clinique dont celui de Perrine. Son récit témoigne de son incapacité à garder en elle ce qui apparaît comme quelque chose de « brûlant », c’est-à-dire la capacité à ressentir la culpabilité qui, après l’expérience traumatique de l’acte suicide du père et son impuissance à le réanimer envahit sa vie psychique sous la forme d’une absence-présence omniprésente. Ce sentiment de culpabilité est à rattacher au processus de symbolisation primaire impliqué dans la construction primaire du lien à l’objet tel que D. W. Winnicott l’élabore. Ce lien s’édifie sur la présence de l’objet, sur la conflictualité psychique, sur le processus qui permet aux pulsions libidinales et agressives de se conflictualiser. Perrine se souvient :

« C’est moi qui l’ai découvert à 18 h15. C’était la veille de mon brevet blanc. Il était arrivé à la maison. J’ai vu qu’il était dans les jours qu’il n’allait pas bien. Je m’y attendais. J’ai appelé les pompiers, ils m’ont dit de faire un massage cardiaque et le bouche à bouche. J’ai pas pu… j’ai vu le corps incliné sur le sol… Je lui en veux d’avoir fait ça ! À ce moment là, j’étais toute seule à la maison. J’ai l’impression que je porte un poids énorme. Avant, c’était lui qui allait pas bien. Maintenant, c’est moi. Il parlait peu, il cachait son mal être. À l’extérieur, il riait. À l’intérieur, il ne riait pas. Il ne faisait pas d’effort. Je pense : « Tu n’auras plus cette peur de revenir du collège, de le retrouver couché. La scène est tellement présente que c’est comme si je la revivais. Je m’endors pas. J’ai envie de rien. J’ai mal à l’estomac. Si je devais changer quelque chose, c’est ma présence et pas son geste. Je m’en veux d’avoir été là. J’ai pas accepté sa mort ni son geste... Les pompiers et les flics, ils m’ont mis à l’écart. J’étais pas polie avec eux. J’avais autre chose à faire que répondre à leurs questions. Ils étaient distants, pas de précautions. Il faut tout leur dire ».

Thématique 2 : Sentiment de culpabilité et honte

Les manifestations d’auto-reproches décrites, comme mécanisme de défense qui provient de l’angoisse, visent l’objet auquel le self s’est identifié. L’angoisse, dont chaque récit témoigne de la bouleversante intensité, est liée à l’impossibilité de trouver un sens à l’acte suicide du père. Christopher peut dire : « Mon père n'a pas été heureux tout le temps. Il m’a laissé sur le bord de la route… On a été là pour lui et après… ».

Le moi adolescent est incapable de se représenter donc de symboliser d’où la culpabilité.

J’ai étudié, précédemment les conditions de la situation du traumatisme psychique du suicide du père et la qualification de la « commotion psychique » décrite par S. Ferenczi, au-delà des capacités d’élaboration du moi adolescent.

  1. Grinberg évoque un aspect essentiel de la clinique et de l’Acting out : le sujet adolescent, devenu orphelin, dans un contexte traumatique, implique son objet d’amour primaire dans une répétition de l’événement traumatique et le conduit à répéter les effets destructeurs.

Christopher exprime la perte de confiance :

« La vie est mal faite, elle est pourrie ! La vie n'est pas belle dans le sens que l'espèce humaine n'est pas belle. La vie est moche. Quand on regarde autour, y'a que le mensonge ».

En effet, le récit des adolescents révèle, par contre-identification projective, la réitération de l’agression dont ils ont eu à souffrir, face à la situation traumatique, qui constitue une nouvelle répétition.

Perrine :

« … Je voudrais une mort dans mon sommeil comme ça j’aurais pas l’impression qu’on vient me prendre et m’emmener. Mourir, c’est comme une blessure qui ne s’arrête pas… dans le sens où on aurait toujours mal… je sais pas… Quand on est mort… dans ma tête… on souffrirait d’être ce qui a été au moment de la mort. Alors, pour mon père, le suicide serait qu’il voulait arrêter de souffrir. C’est tellement horrible comme geste... Est-ce qu'il existe quelque chose pour avoir moins mal ? Je suis dans le remords. Je pense sans arrêt à la scène. Pourtant, je veux vivre dans le présent et dans le futur. Il faut avancer, sinon j'y arriverais jamais… J’ai besoin d’être beaucoup seule en ce moment ».

Christopher :

« Pour me détendre, je dégomme les méchants. Dans Call of Duty, y'a pas de réflexion. Par exemple, « Black Ops II : Zombie », on se cache, on se tue dans le jeu. Dans Zombie, il faut infecter un humain. Je suis dans les mille premiers dans le classement mondial… Avant que Papa soit mort, j'y jouais. Mais ça me soulage pas… »

La honte peut altérer l’identité du sujet et l’obliger à s’en défendre pour la supporter. Elle peut être la conséquence de conflits qui s’inscrivent dans la réalité et dans le rapport du sujet au monde qui l’entoure.

  1. de Kernier explique cet affect singulier en ces termes : « La honte est une émotion particulière difficile à nommer : elle ne se dit pas, ne se montre pas, ne se représente pas. Sa révélation, surtout lorsqu'elle vient du père en tant que porteur d'idéaux et d'attentes, peut faire intrusion dans l'espace psychique intime de l'adolescent, soudainement renvoyé à une impuissance radicale ».[2]

Confronté à l’acte suicide du père et à la chute des attributs de la figure paternelle, Iris demande à sa mère : « Je ne veux plus porter le nom de mon père, le nom de mon père est porteur de violence et de mort ». Iris agit le nom. Elle livre à sa mère une question fondamentale : est-elle porteuse d’un destin qui viendra la persécuter, elle et sa descendance ? Par identification aux imagos parentales et à ses représentations parentales, l’adolescente interroge le processus d’adolescence. Par cette stratégie soit psychopathologique, soit subjectivante, c’est l’enjeu de la problématique adolescente et le registre symbolique de la construction identitaire et narcissique qui sont questionnés. Changer le nom du père correspond à un travail des fantasmes de transmission, un travail des sentiments de culpabilité dont la fonction est d’atténuer l’impact du traumatisme et soutenir le mouvement d’appropriation de l’expérience traumatique. Le propos d’Iris évoque que perdre l’objet d’amour et son amour rend coupable, être perdue et blessée par cet objet d’amour rend honteux.

  1. Ciccone et A. Ferrant proposent l’hypothèse : « On peut globalement avancer que la culpabilité est liée à la perte traumatique de l’objet alors que la honte est liée à la perte du sujet. On peut ainsi dire que le rapport qui articule la honte à la culpabilité est du même ordre que celui qui relie la mélancolie à la dépression ».[3]

Les non-dits, le secret ne peuvent être partagés. Revenons au malheur d’Œdipe, enfant adopté, qui vient d’un secret qui provoque sa malédiction. L’oracle prononce sa sentence parce que Laïos, père d’Œdipe par le sang, a fauté et qu’il n’a pas voulu le reconnaître. Ce déni détermine la destinée de Jocaste, d’Œdipe et de tous leurs descendants. Ce destin entre en résonance avec celui de cette jeune femme, qui s’exprime sur le forum d’Atergatis :

« Ça fait 12 ans que je garde ce terrible secret, mon compagnon avec qui je suis depuis 4 ans ne le sait toujours pas, malgré ses questions… Je suis passée pro dans l’esquive ! Aujourd’hui, je ne parviens pas à avancer dans mon couple. Je ne veux pas me marier et avoir des enfants (…) J’ai peur de tomber dans une dépression, d’être malheureuse (…) Nous ne parlons jamais, ma soeur mon frère et moi de cela. Nous ne sommes allés qu’une seule fois sur sa tombe. Nous avons déménagé loin et coupé les ponts avec tout ce qui touchait ma mère. Je n’ai aucun souvenir positif. Quand je regarde les photos cachées au fond d’une boîte, je ne reconnais rien. Tout a été effacé. Personne n’en parle dans la famille, son suicide est devenu tabou. Et j’ai honte ».[4]

Dans la famille de Christopher, le refus de partager ce savoir, suscite le besoin de savoir. Faute de pouvoir énoncer les liens entre l’éprouvé et l’histoire vécue, le sujet adolescent les ressent dans son corps : « Le secret produit des perturbations diverses dont on peut penser qu’elles « condamnent » les sujets qui y ont été confrontés à errer jusqu’à ce qu’ils en retrouvent la genèse ».

Thématique 3 : Sentiment d’abandon

Le ressenti d'abandon face à l'acte suicide évoque le traumatisme de la perte et le traumatisme affectif des relations à la figure paternelle mais également à la figure maternelle. Ces vécus de séparation et de perte entraînent des troubles psychiques et des perturbations du développement affectif réclamant du sujet adolescent une défense énergétique psychique intense voire trop sur le plan des contre-investissements pour rassurer le narcissisme.

La perte de l'objet aimé et/ou haï laisse des traces indélébiles dans le moi en l'affectant dans ses assises narcissiques. De plus, le récit des adolescents témoigne de la difficulté à pouvoir  s'appuyer sur la protection de cette figure du père.

Christopher :

« Jouer à ce jeu me soulage. Il faut beaucoup réfléchir. Il faut se concentrer très vite pour faire un bon play, pour battre ton adversaire. Faire des suppositions, des calculs pour savoir si on peut faire défausser des quintes. Quand je joue, je pense pas à grand chose. Comme je ne veux pas redescendre, je pense qu'à ça. Je pense pas aux problèmes. Je pense pour gagner comme Papa, chercher la gemme, le respawn[5]… Je me couche à 22.30 la semaine mais je m'endors qu'une heure et demie après. Le weekend je me couche à 5-6 heures le matin. Dans ma chambre, j’ai un grand écran et je joue la nuit. Les cours me fatiguent. Le dimanche soir, j'arrive pas à m'endormir ».

Le ressenti de l'abandon psychique soulève le problème fondamental de la perte d'objet et du renoncement à l'objet d'amour, c'est-à-dire le travail du deuil. Il met en question l'angoisse de séparation et de perte.

Louis :

« Ça me serre dans la gorge, ça me serre le cœur. J’ai mal au cœur... Il aurait pas dû se tuer ! » (…) « Je suis inquiet pour Papa. Est-ce qu’il va bien ? ... Il ne pourra plus faire d’autre chose avec nous. Ça me manque, dans mon cœur… Là ! »

Le moi de l'adolescent semble confronté à une réaction défensive, de type persécuteur. Ce mécanisme de défense évite une menace, celle décrite par S. Freud dans son article intitulé : « Le clivage du Moi dans les mécanismes de défense ».

Lorsque son objet relationnel, sur lequel il pouvait s'appuyer, pour construire son identité et son narcissisme, lui fait défaut ou lui échappe, j’observe d'une part, une adaptation difficile sur le plan relationnel, décrite conflictuelle avec les pairs et pleine de défiance envers les adultes qui évoque une menace sur le plan narcissique et d'autre part, une menace de perte d'objet maternel.

Christopher :

« Si tu regardes deux secondes le monde, qu’est-ce que tu en penses de ce monde dans lequel on vit ? Dis-moi, entre nous deux, sans mentir ? » (…) « Mon père n’a pas été heureux tout le temps. Il m’a laissé sur le bord de la route (…) C’est comme si… Comme s’il n’y avait plus rien. Je fais des efforts, je fais des sourires juste pour toi Maman… »

À l'adolescence, le temps du lycée est un temps de rencontre possible de figure d’un maître (Blos P, 1963, Camus A, 1960).[6]

Perrine peut dire : 

« Aujourd’hui, ma famille artistique me soutient. Je traverse un moment difficile depuis la mort de mon père. J’ai perdu ma force et les répétitions sont physiquement difficiles. Ma prof sait. Aussi, elle m’a aménagé des horaires plus souples pour les cours de danse ».

L'adolescent montre une grande sensibilité aux variations de la réalité extérieure et à la dépression maternelle. Selon la théorie de S. Freud, la perte d'objet devient le prototype des angoisses ultérieures qui sont l'angoisse de perte de l'amour de l'objet et l'angoisse de castration. La notion de perte d'objet a une place importante dans la théorie de M. Klein avec le concept de « position dépressive » où les angoisses expriment la peine, la tristesse et les manifestations verbales et corporelles de la douleur déclenchent des pulsions agressives engendrées par la représentation de la perte. Le moi a recours à des défenses de type psychotique pour transformer ces angoisses dépressives en angoisses de persécution.

Iris :

« En cours, je me sens déconnectée. Je vais du côté du négatif. Parfois, je pense aux souvenirs que j’aie de lui. Et, d’un coup, je vois l’image de mon père pendu et toutes les fois où je suis allée le voir à l’hôpital. Je suis assise sur ma chaise et, comme je n’ai pas entendu le cours, j’ai comme l’impression de me réveiller ».

L'angoisse de séparation se serait manifestée au moment de l'expérience de rupture inaugurée par l'acte suicide du père.

Iris :

« La mort, c’est flou. La mort et mourir c’est pareil. Dans ma tête, je voulais le rejoindre mais je sais pas où il est. Je n’arrive pas à résoudre cette question. Où est parti Papa ? Mais je sais que le père que j’aime et que j’ai perdu, je ne le vois plus, je ne l’entends plus… »

D'après l'étude de M. Mahler, le très jeune enfant manifeste des angoisses à partir du cinquième mois qui s'intensifient vers les dix-huit mois, au cours du processus de séparation/individuation. Il vit des sentiments de désespoir et la présence de la mère est indispensable. En effet, ceci s'explique par le fait que l'enfant n'a pas intériorisé la représentation interne de sa mère d'où les fantasmes agressifs ressentis comme destructeurs par l'enfant. J’observe, chez Christopher, un mécanisme de défense appelé le clivage de l'objet qui est un clivage des représentations objectales, celles des imagos parentales. Au cours du développement de l'enfant, les mécanismes de défense tels le clivage et le déni sont présents. L’enfant au départ a une réaction de déni : « ça pas possible ». Le déni puis le clivage concernent la perception de la castration. Quand l’enfant dépasse ce déni, il conçoit la castration. Dans la psychose, le déni est plus primaire et concerne la question identitaire c’est-à-dire le déni de l’objet total. Les réactions projectives s’apparentent aux mécanismes d’identification projective de M. Klein de même qu’aux identifications de l’agresseur décrites par A. Freud.

« J’ai 17 ans et cela fera 4 ans que je n’ai plus mon père. Durant les deux premières années sans père, je gardais tout de même le sourire et je profitais de chaque instant. Mais depuis ces deux dernières années, je m’isole de plus en plus au point de ne plus sortir et de n’absolument plus rien faire. Chez moi, je mange de façon excessive et à l’extérieur je ne mange rien. Sortir pour moi devient un calvaire rien que d’y penser. Tout est un effort monstrueux qui m’est épuisant mentalement et physiquement (…) »[7]

L'adolescent, confronté à la douleur de la perte, déjà en deuil de l'enfant qu'il était, de l'image de lui-même, montre combien le sujet adolescent ne parvient pas, à trouver une place à la mort de son parent.

Iris témoigne : 

« La douleur a une image inacceptable, celle de mon père pendu ».

L'acte suicide se pose comme un irreprésentable hors du sens, hors du temps :

« J'ai mal parce qu’un an est passé et je ne le supporte pas et pourtant il me faut supporter son absence et le manque de mon père » (Iris).

 

Thématique 4 : Peur

La peur, telle l’image des chevaux d’angoisse du petit Hans, l’image du loup dressé sur ses pattes arrière de l’Homme aux loups, pose la question de l’objet. Dans le cas du petit Hans, le problème de l’objet est central lorsqu’il apparaît pour ce qu’il est, c’est-à-dire perdu, détaché de l’Autre dirait J. Lacan, et que surgit l’angoisse. Pour Louis, après la mort réelle du père, la menace de la perte de l’amour de sa mère, lors d’un rêve, s’accompagne d’affects spécifiques, la peur et l’angoisse. Il met en scène la cruauté de l’intention meurtrière de l’Autre, la mère, qui lui fait très peur. Louis, comme le petit Hans, va trouver une « bobine » pour lutter face à ces affects, comme le recours à un objet, le cheval pour le petit Hans. Louis trouve un « objet » spécifique, le jeu vidéo.

Iris évoque la peur de grandir, d’affronter le monde extérieur :

« Je veux retourner en enfance comme dans la magie. Je voudrais… Mais la réalité me rattrape. Je veux beaucoup de choses, un monde féérique… La réalité, c’est difficile. J’ai peur de devenir adulte. J’ai envie et j’ai pas envie. Le temps sans mon père va trop vite ».

Perrine :

« Par rapport à tout ça, je suis très angoissée, le passé, le présent, l’avenir tout m'inquiète. Perdre mon père, c'est comme si le soleil qui se couche ne revient jamais, je suis en état de crépuscule perpétuel (…) Ma plus grande peur c’est qu’on m’abandonne ».

Le travail du rêve représente un désir inavouable et irréalisable. Il sait, au fond de son inconscient, que cet autre, c’est lui-même qui désirait la mort de son père et l’union avec sa mère. Les représentations refoulées tendent à remonter à la conscience et c’est, pour le moi du sujet adolescent, l’épreuve de Sisyphe que de leur barrer sans cesse la route. La lutte, pour maintenir dans l’inconscient le refoulé, est complexe et nécessite une dépense d’énergie psychique considérable qui peut inhiber l’investissement de l’activité vers l’extérieur. Ainsi, le travail du rêve, comme voie de satisfaction de désirs refoulés, parvient à l’insu de la conscience à des satisfactions substitutives et symboliques. La symbolisation de la perte de l’objet d’amour met en œuvre deux processus. Le premier correspond à la symbolisation de l'objet perdu c'est-à-dire la mise en représentation et l'intégration à notre monde interne de cet objet et de la relation que l'on entretenait avec lui. L'objet intériorisé n'est alors plus vécu comme un équivalent de l'objet externe, le rapport à ce dernier étant dorénavant marqué du sceau de la perte.

Le second correspond à la symbolisation des affects liés à cette perte, c'est-à-dire la possibilité de les lier entre eux ainsi qu'aux représentations les ayant générées, sans qu'une quantité d'affects excessive ne vienne court-circuiter le travail de la pensée. Il n'est possible de parvenir à une représentation stable de l'objet que si les affects lui étant attachés sont suffisamment élaborés pour ne pas mettre à mal cette représentation, ce qui explique que la symbolisation des affects liés au deuil (détresse, sentiment d'abandon, colère, culpabilité...) soit indispensable.

 

 

B. ANALYSE DES DONNÉES POUR CHAQUE HYPOTHÈSE

1 Rappel des hypothèses

Hypothèse générale : En tant qu'événement traumatique de la réalité externe, le suicide du père retentit de manière complexe et singulière sur le fonctionnement psychique du sujet adolescent. Il mobilise des modalités de traitement psychique propres à cette étape de la vie qu'est l'adolescence.

Hypothèse théorique : Le sujet adolescent ressent l’absence de l’objet comme une présence intérieure persécutrice. Cette présence intérieure menace de culpabilité persécutrice les objets internes du moi, ainsi que le processus pubertaire qui aurait dû mener l’adolescent vers un travail de séparation d’avec les parents.

Hypothèses cliniques :

Hypothèse clinique 1 : Le suicide du père constitue une effraction psychique traumatique dans le psychisme de l’adolescent.

Hypothèse clinique 2 : L’expérience de cette effraction psychique traumatique crée un bouleversement des repères identitaires et temporels, dans le sens où la mort réelle donne à l’existence d’un fantasme relatif à la mort, une actualisation « catastrophique ».

Hypothèse clinique 3 : La mort de la figure paternelle induit un profond remaniement de l’image de soi et du statut d’adolescent.

 

Ces hypothèses représentent mon point de départ. Elles étudient le retentissement psychique du suicide de la figure paternelle sur le processus d’adolescence en tant qu’effraction psychique traumatique.

Le trauma, au sens psychanalytique et métapsychologique, résulte de l’inadéquation entre l’expérience traumatique et les possibilités psychiques du sujet adolescent d’y réagir en procédant à un réaménagement intérieur. Le traumatisme est l’effraction du pare-excitation. Le suicide de la figure paternelle provoque une perturbation dans le fonctionnement du moi qui doit affronter une accumulation d’excitations d’origine interne et externe : « Nous appelons traumatiques les excitations externes assez fortes pour faire effraction dans le pare-excitation ».[8]

Lorsque le pare-excitation ne parvient pas à arrêter les excitations traumatiques, l’effet sur l’appareil psychique est une déliaison de la pulsion de vie et de la pulsion de mort. En effet, face à l’expérience du suicide du père, le psychisme des adolescents n’est pas préparé à cette confrontation : « Pour l’issue d’un grand nombre de traumatismes, le facteur décisif serait la différence entre système non-préparés et systèmes préparés par surinvestissement ; à partir d’une certaine force du traumatisme, ce facteur cesse, il est vrai, de compter ».[9]

Le récit des adolescents, prénommés Christopher, Louis, Éline, Iris et Perrine, témoigne d’une excitation excessive et illustre la discussion de S. Freud sur l’origine endogène ou exogène du traumatisme. La dimension économique est au cœur de la question du traumatisme, ainsi que la situation psychique du moi du sujet adolescent. Néanmoins, il nous faut tenir compte de la qualification, la nature de l’expérience traumatique et de la fragilité du moi adolescent, c’est-à-dire au cours d’une temporalité considérée comme fondamentale de la reconstruction moïque des identifications et du narcissisme.

À l’adolescence le « quantum », c’est-à-dire le passage d’une charge énergétique d’une représentation à l’autre, déborde le moi en détresse. La question qui se pose est : un sujet adolescent confronté au suicide de son père peut-il vivre cette expérience sans pour autant être traumatisé ?

L’expérience de l’acte suicide, telle qu’elle est décrite au cours du processus thérapeutique par le sujet adolescent orphelin, a une valeur traumatique du fait que la situation contraint le sujet à l’impossibilité de s’y soustraire comme à l’impossibilité de rester. Rappelons-nous le terme Hilflosigkeit, cet état de détresse : « (…) qui constitue pour Freud une référence constante, mérite d’être dégagé et rendu en français par un terme unique. Nous proposons état de détresse (…) Du point de vue économique, une telle situation aboutit à l’accroissement de la tension du besoin que l’appareil psychique est encore impuissant à maîtriser : c’est là la psychische Hilflosigkeit ».[10]

L’expérience traumatique du suicide de la figure paternelle ouvre au désordre et à la désorganisation du moi en tant qu’épreuve de séparation, de perte et de deuil mais aussi comme processus psychique maturatif dans le sens aimer, perdre et grandir.

Un bouleversement des repères identitaires et temporels se crée, dans le sens où la mort réelle donne à l’existence d’un fantasme relatif à la mort, une actualisation « catastrophique », c’est-à-dire la mesure du traumatisme que représente l’actualisation d’un scenario de mort durant l’adolescence. Le sujet adolescent est contraint à trouver une solution pour que sa psyché survive face à la mort réelle du père, à la culpabilité. En effet, la mort de la figure paternelle induit un profond remaniement de l’image de soi et du statut d’adolescent, aîné de la fratrie. L’expérience traumatique du suicide et de la perte de la figure paternelle au cours de l’adolescence n’est pas comparable à celles traumatiques de la perte dès les premiers mois de la vie, inévitables et nécessaires à l’organisation du sujet. L’adolescent n’a ni les capacités physiologiques de décharge ni les capacités psychiques de l’élaboration interne. N’oublions pas l’enfant présent dans l’adolescent. Rappelons-nous ce que j’ai précédemment évoqué dans la partie théorique : Vivre son adolescence et perdre la figure paternelle implique d'une part le remaniement de l’introjection des imagos parentales et d'autre part engage l’organisation et/ou la désorganisation de la psyché. L’introjection, selon K. Abraham et M. Törok, synthétiserait la catharsis, l’abréaction, le travail de deuil. Les difficultés à symboliser les expériences traumatiques tiennent d’un défaut d’introjection. Le suicide de la figure paternelle peut être considéré comme « catastrophique » tel que ces auteurs le précisent qui bloque ce processus que Ferenczi décrit dans ses travaux : le trauma peut anéantir, bloquer la pensée en empêchant l’introjection.

Pour survivre à la détresse de la perte de l’objet et de son amour, le moi cherche un compromis entre le moi et l’objet : c’est l’identification.

Le récit des adolescents prénommés Christopher, Louis, Éline, Iris et Perrine illustre les alternances de phase d’identification idéale et de déception. La particularité des récits des adolescents mais également le témoignage du « parent qui reste vivant » sont frappants.

En effet, l’expérience traumatique dont il est question est quotidienne et laisse une impression de tension psychique devenue ordinaire jusqu’à l’événement suicide du père.

Je note une détresse qui s’accumule et constitue un impact de traumatismes plus insidieux dont le retentissement psychique sur le processus d’adolescence est une profonde blessure narcissique.

Revenons au passage du récit d’Éline qui, dans l’attente d’un secours de l’objet maternel après la mise en scène par le père de son futur suicide, se manifeste quinze jours plus tard. Ce raté d’accordage affectif entre l’adolescente et ses parents provoque une rupture de liaisons psychiques qui est à l’origine du trauma, c’est-à-dire que l’appareil psychique ne peut pas contenir l’excitation et la blessure narcissique.

J’observe de cette clinique du traumatisme, un effondrement du moi et en appelle aux travaux de D. W. Winnicott et à son texte théorique fondamental : « La crainte de l’effondrement ».[11] Il nous dit : « Je soutiens que la crainte clinique de l’effondrement est la crainte d’un effondrement qui a déjà été éprouvé. C’est la crainte de l’angoisse disséquante qui fut, à l’origine, responsable de l’organisation défensive que le patient affiche comme un syndrome pathologique ».[12]

 

Dans ce texte, D. W. Winnicott évoque donc un traumatisme qui n’a pas pu être intégré. Il s’est produit, à une époque ou dans un état où le sujet n’existait pas,  une expérience qui ne pouvait pas être accueillie dans un présent identifiable comme tel. Il parle aussi d’un traumatisme négatif par carence d’une expérience qui aurait pu se réaliser. L’effondrement, dit-il, « remonte au temps qui précédait l’avènement de la maturité nécessaire pour en faire l’épreuve ».

Pour le comprendre, ce n’est pas au traumatisme qu’il faut penser, mais au fait que là où quelque chose aurait pu être bénéfique, rien ne s’est produit. Le récit des adolescents nous parle bien plus du souvenir du traumatisme que du souvenir que « rien ne s’est produit à la place de quelque chose ».[13]

Ainsi, l’expérience traumatique touche, tel que Freud et Ferenczi la définissent comme « une impression qui n’est pas perçue ». Winnicott rappelle, par l’exemple clinique de M. Little que quelque chose du passé tourmente le patient : « (…) l’épreuve initiale de l’angoisse disséquante primitive ne peut se mettre au passé si le moi n’a pu d’abord la recueillir dans l’expérience temporelle de son propre présent, et sous le contrôle omnipotent actuel (qui prend la fonction de soutien du moi auxiliaire de la mère (l’analyste). Autrement dit, le patient doit continuer de chercher le détail du passé qui n’a pas encore été éprouvé. Il le cherche dans le futur, telle est l’allure que prend sa quête ».[14]

 

La dimension topique est essentielle pour comprendre le concept de traumatisme psychique qui rappelle celle de Ferenczi et Freud avec « l’impression qui n’est pas perçue ». Pour le sujet et le thérapeute, il s’agit de chercher quelque chose du passé qui a provoqué un effondrement du contenant, un bouleversement topique et un excès d’excitation. Le moi du sujet se trouve dans l’incapacité de l’intégrer, l’« inclure » explique Winnicott.

Cela conduit aux autres problématiques étudiées par Winnicott des cas limites et psychotiques : se tuer pour ne pas être annihilé devant la crainte du vide. Cela n’est pas sans rappeler l’acte suicide et le retournement qui conduit le sujet à se confronter aux traces psychiques de l’expérience d’une « agonie primitive », à retourner contre lui le mouvement intérieur meurtrier (Houssier F, 2013).

L’expérience de vide et la nécessité de remonter à un passé précédant la maturité du sujet pour en faire l’épreuve permettent de rappeler ce que Winnicott analyse : « Pour le comprendre, ce n’est pas au traumatisme qu’il faut penser, mais au fait que là où quelque chose aurait pu être bénéfique, rien ne s’est produit. Il est plus facile pour un patient de se souvenir d’un traumatisme que de se souvenir que rien ne s’est produit à la place de quelque chose. À l’époque, le patient ne savait pas ce qui aurait pu se produire et, donc, tout ce à quoi se ramenait son expérience était de remarquer que quelque chose aurait pu être ».[15]

Ainsi, cet effondrement n’est pas sans nous rappeler « l’anéantissement du sentiment de soi » conceptualisé par Ferenczi et les « blessures précoces faites au moi » au cours de l’expérience de la perte d’amour en tant que blessures narcissiques. La clinique du traumatisme et la clinique du deuil renvoient à ce qui a déjà eu lieu « sans être éprouvé ». La clinique pourrait renvoyer aux impressions de désinvestissement massif du sujet par l’être aimé et constituer une spécificité de la clinique du deuil au cours du processus d’adolescence : « Le fondement négatif du trauma infantile résiderait, en somme, dans l’impossibilité de l’enfant de se représenter non investi par l’objet de désir ; dans l’irreprésentable de sa propre absence dans le regard de celui-ci ».[16]

 

 

Le trauma se constitue au cours d’une expérience résultant d’une absence de réponse de l’objet face à une situation de détresse, absence qui, pour le sujet, a pour conséquence une atteinte du moi, vécue alors comme une véritable blessure narcissique. Ce qui entraîne sur le plan de l’organisation psychique, des défenses de l’ordre du déni et du clivage. Le récit des adolescents témoigne de « la confusion des langues entre les adultes et les adolescents ». L’adolescent, confronté au suicide de la figure paternelle se heurte à cet acte destructeur. Confronté à la mort réelle du père, à la culpabilité, le sujet adolescent développe des mécanismes psychiques tel l’identification projective et l’introjection du sentiment de culpabilité de l’adulte.

Ces deux notions sont cruciales pour me permettre de saisir l’événement traumatique quand l’adolescent perd confiance du fait de l’acte suicide du père. Le processus psychique de l’identification projective en lien avec les traumatismes de violence permet au sujet d’externaliser les mauvaises images non intériorisées de l’objet perdu vécues comme menaçantes sur un objet de telle sorte que le sujet croit ainsi le maîtriser et le contrôler. L’intériorisation représente un danger pour les bonnes images de soi. Cet objet devient alors d’autant plus mauvais et dangereux qu’il s’ensuit une confusion de la source de l’agressivité, un rapproché des limites dedans-dehors.

L’adolescent doit avoir confiance et pouvoir trouver réassurance chez son père pour pouvoir se séparer. Les vicissitudes du processus de séparation-individuation, du fait du suicide du père, sont au cœur des atteintes identitaires provoquées par le traumatisme psychique. À l’adolescence, se répèterait « l’éclatement de la membrane symbiotique » qui avait permis à l’enfant d’acquérir une certaine individuation. Le suicide rend difficile l’acquisition de l’autonomie et la séparation d’avec sa famille. En effet, rappelons-nous que l’adolescence est une étape de construction identitaire et narcissique, c’est-à-dire de renégociation du lien à l’objet, renégociation de la dynamique des identifications (confortation de l’identité sexuée et du choix d’objet sexuel et de la mise à l’épreuve des investissements pulsionnels). Comme nous l’avons vu dans la partie théorique, l’adolescence sépare l’enfant de ses objets infantiles pour le conduire à rencontrer un nouvel objet.

La mort du père rend le déplacement d’un premier objet à un autre difficile du fait du caractère narcissique du lien aux objets primaires. L’abandon de ces objets d’amour est le terme du processus de séparation à l’adolescence. S’interroge le devenir des processus de différenciation et de subjectivation.

2 Processus d’adolescence et spécificités du deuil

Le processus d’adolescence contraint le sujet à renoncer aux objets de l’enfance du fait de la transformation pubertaire. C’est ainsi que nous décrivons une dynamique spécifique à l’adolescence telle la morosité, la colère, l’opposition, l’agressivité et la culpabilité. Cette fluctuation thymique, propre à l’adolescence, s’arrête lorsque le sujet adolescent est confronté à la mort du père : Comment poursuivre la négociation de nouveaux aménagements, dans son rapport avec lui-même et avec  le monde environnant ?

En effet, le processus de subjectivation conduit le sujet adolescent à se situer par rapport à ses parents et aux figures parentales, à l’image de soi vis-à-vis des autres. Ce processus psychique est compromis. Dans le contexte clinique de mon étude, j’observe l’effondrement des assises narcissiques et l’émergence de symptômes de la dépression comme empêchement de leur développement : les autoreproches, les regrets, la tristesse, la dévalorisation, la conduite masochiste représentent, dans un registre œdipien, les manifestations de ce sentiment de culpabilité, comme une punition sanctionnant les fantasmes œdipiens. Pensons aux reproches obsessionnels explicités par S. Freud : « Nous savons que les reproches obsessionnels sont, dans une certaine mesure, justifiés et résistent victorieusement à toutes les objections et à toutes les protestations. Cela ne veut pas dire que la personne en deuil soit réellement coupable de la mort du parent ou ait commis une négligence à son égard, ainsi que le prétend le reproche obsessionnel : cela signifie tout simplement que la mort du parent a procuré satisfaction à un désir inconscient qui, s’il avait été assez puissant, aurait provoqué cette mort. C’est contre ce désir inconscient que réagit le reproche après la mort de l’être aimé ».[17]

L’adolescent orphelin est aux prises avec des sentiments de haine et donc des agissements agressifs, transposant sur l’autre ce qui l’effraie en lui. L’angoisse se manifeste et devient obsédante. Les entretiens sont l’espace-temps où peuvent se vivre les défaillances de l’environnement primaire, vivre dans l’actuel ce que l’adolescent n’a pas encore vécu dans le passé. L’histoire familiale et personnelle des adolescents de l’étude clinique sont remplies de séparations, de pertes, de deuils et de vide.

La clinique de ces adolescents pose une question fondamentale : quand la séparation de l’objet produit-elle l’angoisse, quand produit-elle le deuil et quand produit-elle de la douleur ?

Si je prends comme point de départ l’analyse du rapport entre le nourrisson et sa mère, Freud dégage l’hypothèse d’une angoisse qu’il associe au traumatisme de la naissance et qu’il définit anobjectale, puis une situation où angoisse et douleur apparaissent confondues et qui correspond au moment où, confronté à l’absence de la mère, le nourrisson est dans l’impossibilité de décider si cette absence est temporaire ou définitive.

L’acte suicide produit une effraction à travers les barrières de protection et agit comme une source d’excitation constante. Le récit de chaque adolescent s’attache à définir la douleur physique, « propre à la perte de l’objet », cette douleur serait à entendre comme l’effet du traumatisme d’une absence sur le plan du besoin. Pour Freud, la représentation de l’objet absent serait alors l’équivalent psychique de l’investissement narcissique du corps douloureux.

Je porte mon attention sur un fait spécifique, celui de la non-distinction entre absence de l’objet et perte de l’objet. La perte de l’objet est « figurable » comme représentation, la première, non. N’oublions pas ce que Freud rappelle : dans le deuil normal, la douleur correspond à la reproduction représentative de l’objet perdu dans le but de détruire les liens qui l’unissaient à lui.

Les situations où j’ai rencontré l’acte plutôt que le fantasme, les attaques contre la pensée plutôt qu’un évitement de la pensée, les issues corporelles : scarification, tatouage, conduites hétéro-agressives, représentent un moyen d’attaquer l’autre au travers de soi, mais aussi un moyen de redevenir en quelque sorte maître de son destin. Dans le contexte de l’étude clinique, le sujet adolescent, confronté à la mort de son père tente de maîtriser ce qui lui échappe, inversant en miroir ce que disent certains jeunes : « je n’ai pas demandé à naître ». Ces propos renvoient à un sentiment de dépendance et de passivité à l’égard d’un désir parental sur lequel l’adolescent n’a eu aucun pouvoir. Ce sentiment de dépendance et de passivité se transforme, avec le passage à l’acte, en un : « je n’ai pas demandé à naître, je peux par contre choisir de mourir ». Cette mise en symétrie exclut le sujet adolescent d’avec la capacité des parents de donner naissance et de confronter ce lien, dont le pouvoir quasi-démiurgique, se pose en miroir avec la capacité de détruire ce que les parents ont construit.

Plus qu’une finalité autodestructrice, cette conduite agie représente une tentative de défense du territoire narcissique menacé au moyen d’une conduite active de maîtrise d’un moi qui se sent impuissant.

Ne pas confondre sentiment d’angoisse, de dépression, de culpabilité, manifestations de conflit du moi du sujet. Ils peuvent, selon certaines circonstances de vie, co-exister chez un sujet. Quel sera l’affect qui prédominera ? Mon travail clinique est d’établir leur différenciation. L’angoisse consiste en une réaction face au danger par laquelle le moi met en évidence son désir de survivre et se prépare à la lutte ou à la fuite dans la dépression, conçue comme une peur de la castration future parce que c’est la réponse face à un danger.  Dans la dépression, c’est le contraire. Le moi se trouve paralysé et il se sent incapable d’affronter le danger. Le désir de vivre est remplacé par le désir de mourir parce que le moi se considère comme impuissant à surmonter le risque qui le menace. L’angoisse extériorise comme un état affectif déplaisant accompagné de symptômes physiques caractéristiques qui correspondent  à des manifestations physiques telles tachycardie, dyspnée… La dépression se manifeste par une perte d’élan, une apathie... Elle provient du danger d’une attaque dirigée contre le self.

Tout cela dans une perspective qui consiste à dire que cela n’a pas de sens pour le sujet adolescent. Il se déprime parce qu’il a perdu un objet qui représente une fonction, la fonction paternelle qui établit que le travail de deuil ne se fait que s’il porte sur une perte réelle, sur un « trou dans le Réel » dit J. Lacan. Donc, pour qu’il y ait perte et travail de deuil, il faut que l’objet de la perte soit réel sinon, il n’y a ni perte, ni deuil.

La dépression de l’adolescent orphelin représente un message, c’est-à-dire ce qu’il advient de sa capacité ou de son incapacité à lire ce qui est écrit au sujet des deux états en question que S. Freud articule : dans le deuil, « je sais », dans la mélancolie « je ne sais pas » ce que j’ai perdu. Confronté à un message illisible, irreprésentable, inimaginable, non symbolisable, l’adolescent a affaire à un Réel illisible.

Les cinq adolescents participant à l’étude clinique témoignent que le suicide de leur père les sépare en tant que sujet de la continuité et de l’organisation habituelle de leur vie. La rencontre entre le sujet et le « Réel » traumatique de l’acte suicide et de la perte du père ne permet plus une continuité temporelle.

La puberté, associée aux transformations physiologiques et psychologiques qui accompagne ce passage de l’enfance à l’âge adulte, conduit le sujet adolescent à une expérience durant laquelle le corps fait du bruit par des plaintes, des douleurs avec ce sentiment angoissant que le corps échappe au contrôle, ce corps, comme contenant de son identité en devenir. À l’adolescence, il existe un décalage entre le sentiment d’être soi, le moi et le corps en mutation. Soumis à ces transformations pubertaires, le sujet adolescent cherche à contrôler ses fantasmes d’excitation interne (rougeur, gaucherie, émois, désirs…) qui sont des expressions symboliques des conflits internes.

Ce remaniement de l’image du corps, au cours du deuil, s’ouvre sur une plainte : Perrine trébuche, tombe. Iris chute, se scarifie, se tatoue. Christopher tremble de manière irrépressible. Éline évoque les anomalies corporelles, la jambe, la peau, les seins. Louis se laisse couler… Chaque adolescent vit son corps, ce corps qui contient les pulsions sexuelles et les pulsions agressives inconscientes ou non.

À partir de ces éléments, je pense que l’agir de ces adolescents a une fonction spécifique : il remplit une fonction identitaire et se présente comme un moyen de raconter une histoire.

Les adolescents orphelins de leur père ont un immense travail à accomplir pour supporter le réel intrusif et la réalité psychique qui préexistait au suicide. Je note leur combat face à la représentation de la mort qu’une situation normale du processus d’adolescence ne convoque pas habituellement. Jeunes filles et jeunes hommes doivent affronter l’inéluctabilité de la mort de leur père qui s’impose, ainsi que son irréversibilité.

La spécificité des récits de ces adolescents situe l’angoisse qui les étreint, celle d’être happés par des identifications mortifères. Le moi des sujets adolescents, en état de choc, se défend et réagit. En réponse à l’agression de l’acte suicide, le moi envoie toute l’énergie psychique et physique dont il dispose afin de colmater l’afflux d’excitations. Ce mouvement réactionnel spécifie le processus de deuil, dans le sens d’une atteinte du lien dans un espace immatériel. L’expérience traumatique du suicide de la figure paternelle crée un vécu dépressif avec un sentiment de vide intérieur.

La spécificité du travail de deuil au cours de l’adolescence se caractérise par le fait qu’il entre en interférence avec le développement du sujet. Comment se résolve le conflit œdipien qui est réveillé par la puberté ? La mort du père, pour la jeune fille, ne permet pas la résolution du conflit œdipien. En effet, l’identification au parent du sexe opposé peut constituer une solution à ce conflit ; elle donne à l’adolescente une réassurance qui la met à l’abri de l’agressivité destructrice qui vise à supprimer symboliquement le rival du même sexe. Pour la jeune fille, s’identifier à la figure paternelle implique la dénégation de l’appareil génital féminin et donc la remise en question de la valeur maturative et structurante de cette acquisition.

Le récit de chaque adolescent rend compte de l’importance de la question de la culpabilité qui envahit la vie affective et relationnelle des adolescents.

3 Hypothèse théorique

Le fantôme - le sujet du double - a été étudié par O. Rank qui l’a fait apparaître comme représentation de la mort ou comme réincarnation de l’esprit d’un ancêtre continuant à vivre sous une autre forme. Le récit des adolescents met en scène « Le roman familial des névroses »,[18] dans lequel S. Freud décrit l’évolution des désirs hostiles et vengeurs contre les parents, particulièrement le père, en tant que fantasmes accompagnant le conflit œdipien.

Le recours à des mécanismes de défense archaïques tels que le déni de la réalité[19] et l’identification gêne le processus de symbolisation et gèle la temporalité du sujet adolescent orphelin en le maintenant dans l’illusion de la présence de l’objet perdu. Ceci signe l’impossible reconnaissance de la réalité temporelle passée, présente et future de la perte, ressentie trop douloureuse et intolérable pour l’adolescent endeuillé.

Le récit de Perrine décrit une anxiété paranoïde, liée à une impossibilité de trouver un sens à la perte et donc le moi est incapable d’assimiler, de se représenter cette expérience. Elle explique qu’elle avait pu, comme Éline, anticiper le suicide de son père et, elle était restée figée devant le bureau, dans sa chambre. Perrine tente de mettre en évidence un conflit en rapport avec l’objet intérieur mort qu’elle porte en elle. Mais elle tente, semble-t-il, de s’en libérer au moyen de l’identification projective.

Le récit de Christopher rend compte de l’impact de l’acte suicide de son père  sur le processus d’adolescence ; le processus d’adolescence consiste à désidéaliser les figures parentales de l’enfance. L’acte suicide brise l’objet idéalisé, sidère l’agressivité au parent décédé et ampute le sujet adolescent de sa liberté de penser. Le suicide, dans la réalité, a pour conséquence de maintenir le parent mort dans une position de figure parentale idéale et intouchable.

Utilisée de manière excessive comme défense contre l’angoisse notamment contre les angoisses de séparation et de perte d’objet, celle-ci entraîne la projection de parties fragmentées du self qui sont clivées et projetées au dehors : le sujet s’imagine alors que ces parties détachées de lui ne reviendront jamais, la perte devenant ainsi définitive. Ces mécanismes conduisent à de véritables « éclipses » de portions du moi selon l’expression de L. Grinberg.[20]

Quelle pulsionnalité agite la vie psychique de ces adolescents orphelins ? J’ai accueilli ces jeunes orphelins au cours des trois années de l’étude clinique.

L’analyse des mouvements transféro-contretransférentiels rend compte de la spécificité de la mise en place d’un suivi psychothérapeutique.

L’acte suicide est un symptôme considéré comme le plus grave des cadres dépressif et mélancolique, caractérisé par un effondrement du moi, des auto-reproches, et une diminution de l’auto-estime. La menace de la culpabilité persécutrice peut constituer une issue implacable. En effet, un des fantasmes inconscients, à travers l’acte suicide, est l’agression orientée contre les persécuteurs situés dans le corps ou dans la psyché et que ce recours permet de s’en libérer. La mort est vécue comme une libération ou comme la possibilité de se moquer de ses persécuteurs. Dans ce fantasme, des mécanismes magiques et omnipotents interviennent pour anéantir les objets persécuteurs ainsi que des sentiments maniaques basés sur le déni de la mort propre. Mais, dans l’acte suicide, le noyau central autour duquel gravite toutes les angoisses et les fantasmes est celui de la culpabilité persécutrice. L’intention ultime de celui qui se suicide est souvent de projeter cette culpabilité insupportable dans les objets. Cette tentative est vécue profondément comme un triomphe maniaque sur ceux-ci.

  1. Grinberg propose : « Il n’est pas juste que ce soit moi qui doive supporter cette culpabilité puisque vous ne m’avez pas compris et que vous ne m’avez pas aidé à m’en libérer ».

Le récit des adolescents témoigne, de façon singulière et subjective, que le suicide du père n’est pas un acte soudain et imprévisible. Le message d’adieux rend compte que le plan du suicide a été élaboré dans le fantasme. Les fantasmes inconscients qui contribuent au suicide tels le sentiment de culpabilité qui déclenche un besoin d’autopunition : « je suis désolé, j’ai fait du mal à tout le monde, vous serez mieux sans moi… » renvoie à un sentiment de culpabilité persécutrice, un désir hostile de se venger et d’exercer un contrôle au-delà de la mort, un désir plein d’espoir de renaissance, de réhabilitation.

Adolescent et parent qui reste vivant expliquent la situation tendue, angoissante des crises douloureuses vécues dans la famille avant le suicide. La fragilité et la dépression des pères augmentent le sentiment de culpabilité en raison d’une responsabilité vécue face à l’objet sur lequel le sujet adolescent l’a projetée. Le moi du sujet se trouve affaiblit. La détresse rapportée par les adolescents est celle de la présence intérieure de l’objet perdu. Cette détresse se manifeste sous forme d’angoisse qui s’est instaurée bien avant la mort et parfois au moment de l’annonce, renvoyant alors ces adolescents à des processus psychiques en lien avec les traumatismes de violence. Immédiatement des mécanismes défensifs se déclenchent comme le clivage et la projection afin de supporter la culpabilité et la persécution, la haine et l’amour, la vie et la mort, le sexuel et le narcissique.

Perrine et Iris décrivent ce mécanisme défensif. Louis évoque des mouvements projectifs et interprétatifs qui l’emportent sur les moments dépressifs : « J’ai peur que maman me tue ». Les « histoires » de Louis illustrent la richesse fantasmatique contenant amour, haine et culpabilité.

La nécessité psychique pour survivre à l’expérience traumatique de l’acte suicide est de se retirer, se couper de sa subjectivité. Je pense que l’expérience traumatique, constituée de la scène et de l’acte suicide, conduit le moi à se cliver de cette expérience irreprésentable, comme nous l’avons précisé dans la partie théorique avec S. Ferenczi. Les images et les vécus d’intrusion qu’elles supposent, sont suscités par la situation traumatique. Les adolescents sont effractés de manière concrète, c’est-à-dire dans leur corps et dans leur psychisme.

La mort de l’objet aimé peut être la cause d’un sentiment de culpabilité persécutrice intolérable, surtout si l’adolescent s’est senti responsable de la mort de son parent. C’est pourquoi, la résolution du dilemme adolescent-parents, dans une réaction impulsive constitue une attaque dirigée contre les objets internes qui représente les parents. L’acte suicide serait une punition du surmoi en vertu de l’identification de l’adolescent avec l’attitude de ses parents, attitude généralement très sévère et exigeante. Parfois, le sujet adolescent a conscience de son attitude de punition à l’égard de ses parents par son hostilité ou alors un désir de rejoindre, à travers la mort, des images bonnes ou idéalisées de ses parents qui sont dans l’au-delà. Les fantasmes agressifs qu’il ressent auxquels il peut s’accrocher pour sa survie, pourraient être niés, banalisés. S’accrocher à la culpabilité, représente pour Éline, Iris, Perrine et Christopher des moyens psychiques pour rester vivants. La haine de la réalité externe et interne et de « (…) tout ce qui contribue à sa reconnaissance, et cela détermine un besoin d’attaquer constamment tout lien, ainsi que chacun des éléments qui interviennent dans celui-ci. L’intensité avec laquelle une telle haine et une telle capacité de destruction agissent provoque l’accroissement de la culpabilité persécutrice et par conséquent, une augmentation de la crainte d’anéantissement ».[21]

La présence de l’objet perdu en tant qu’objet interne menace le sujet. La haine ressentie réactualise l’organisation œdipienne, notamment en terme de sexualité. Elle est manifeste dans la relation thérapeutique lors des mouvements de haine du sujet adolescent à l’égard du thérapeute. Il s’agit pour le sujet adolescent de s’assurer qu’il ne l’a pas détruit. En effet, Louis et Christopher verbalisent des attaques parfois violentes qui indiquent, dans un contexte de perte de repères, l’angoisse de perte, celle de perdre à nouveau. Je confirme l’intérêt méthodologique de laisser se déployer l’expérience traumatique. À un niveau latent, cette conduite serait un processus psychique inconscient qui se définirait ainsi : « Ta présence m’assure que je peux tenter de te détruire mais que tu survivras ». Nous sommes dans la genèse des conflits infantiles. La haine de l’objet ne permet pas au sujet adolescent de se délester des mouvements pulsionnels, propres à cette étape de la vie. L’expérience traumatique du suicide du père contraint l’adolescent, de manière psychique, à une « position de passivité maximale » qui dépasse les capacités de symbolisations que nous avons évoquées précédemment (Hanus M, 1995).

La spécificité du récit subjectif d’un vécu intolérable des adolescents, nommés Éline, Perrine, Iris et Christopher est constituée par la défaillance de l’objet primaire infantile, la mère.

Un tel contexte implique un travail de réélaboration de la subjectivité qui suppose un travail d’élaboration et de transformation du fonctionnement psychique du sujet adolescent.

 

4 Synthèse globale des résutlats et de l’hypothèse théorique

« J’avais, je crois, quatorze, quinze et dix-sept ans (…), si je me sentais en homme à certains égards, j’étais enfant à beaucoup d’autres. Embarrassé, incertain ; pressentant tout peut-être, mais ne connaissant rien ; étranger à ce qui m’environnait, je n’avais d’autre caractère décidé que d’être inquiet et malheureux. Temps perdus, et qu’on ne saurait oublier ! Illusion trop vaine d’une sensibilité expansive ! Que l’homme est grand dans son inexpérience ».[22]

Les récits singuliers et subjectifs des adolescents ayant participés à l’étude clinique montrent que la perte du père au cours de l’adolescence provoque une blessure psychique traumatique qui entrave le processus d’adolescence. Il s’agit, pour le sujet adolescent, de renégocier chaque aspect de la relation à lui-même et à ses objets internes et externes. Confronté à la mort du père, le moi de la jeune fille et du jeune homme est contraint prématurément d’examiner qui il a perdu, quelle part est perdue avec la mort du père, représentant du surmoi, à la fois interdicteur et protecteur pas encore intériorisé à l’adolescence.

J’observe une position de conflit entre la réalité et le désir qui s’oppose à la réalité si douloureuse : « Papa est mort, il n’est plus ». La représentation du père perdu reste fortement investie avec des croyances magiques d’un retour. Néanmoins, chaque adolescent, au cours du suivi psychothérapeutique, parle vraiment de son père et prend conscience que ses relations avec lui n’étaient pas aussi idéales que chacun voulait le penser. La problématique œdipienne encore active entre la fille et son père, le fils et son père interroge le devenir du travail de deuil. Si la perte est reconnue, et en apparence pas déniée, elle n’est pas vraiment acceptée dans ce qu’elle implique de mouvements intérieurs. L’acte suicide du père gêne le nécessaire désinvestissement des imagos parentales. La perte de l’objet d’amour, au cours de l’adolescence, représente deux formes de traumatisme ;

- D’une part, la mise en acte du suicide met à l’épreuve la toute-puissance infantile à laquelle le sujet adolescent doit renoncer.

Christopher et Louis manifestent, par leur conduite, la difficulté d’extérioriser une intensité émotionnelle impensable et tendent à reproduire l’événement traumatique soit, sur le corps de l’autre : Christopher agresse ses camarades verbalement et physiquement, soit sur son propre corps : Louis dont le corps coule.

Éline, quant à elle, passe par l’acte, par identification à la mise en scène par le père de son futur suicide,  en s’enfermant dans les toilettes du collège et tente de s’asphyxier.

Perrine et Iris, chutent, se blessent physiquement. Iris marque son corps par des scarifications et un tatouage symbolisant l’infini, c’est-à-dire : « un lien pour l’éternité à mon père » qu’elle inscrit, au creux de son poignet. Cette inscription, dans la conduite, renvoie à une impossible élaboration psychique.

Ces mises en acte adolescentes ont pour fonction la décharge et l’expression du conflit psychique qui les agite.

Par identification projective le sujet, pour se défendre contre l’angoisse de perte de l’objet, externalise les mauvaises images non intériorisés de l’objet ou de soi vécues comme dangereuses et les fantasmes agressifs.

La distinction entre la clinique du traumatisme psychique et la clinique du deuil présuppose l’existence de deux objets. Dans la première, l’objet est omniprésent, objet interne persécuteur dans la vie psychique des adolescents, dans la seconde, l’objet d’amour primaire manque. Cette distinction va provoquer une blessure narcissique et identitaire spécifique sur le processus d’adolescence.

- D’autre part, chaque adolescent a été confronté à un vécu de danger psychique. Ce qui provoque la compulsion à la répétition qui a pour fonction, dans l’après-coup, de déjouer le trauma et tenter de lui donner sens. N’oublions pas que les sujets adolescents sont encore du côté de la toute-puissance infantile. Le fonctionnement psychique n’est pas assujetti au monde. La vie fantasmatique est autonome à toute extériorité objective, elle a force de réalité pour la réalité psychique. En effet, le fantasme est la réalité psychique.

Je considère, par sa dimension brutale et inéluctable, que l’acte suicide du père provoque une cassure dans le fonctionnement psychique des sujets adolescents orphelins. Le processus d’adolescence est entravé dans sa fonction d’élaboration de la « violence pubertaire », c’est-à-dire l’élaboration des renoncements aux objets d’amour primaires, la constitution de la sexualité génitale, la structuration œdipienne de la différence des sexes et des générations.

Le deuil à l’adolescence sollicite notre attention dans la mesure où le schéma d’organisation de la personnalité se trouve bouleversé par la perte précoce et l’acte violent du père et sa destructivité. Les capacités de réparation fantasmatique sont entravées. J’ai proposé que le processus de deuil fige le sujet à la phase schizo-paranoïde où dominent les pulsions destructrices et les angoisses persécutrices. La clinique des adolescents rend compte du clivage de l’objet : le bon objet idéalisé, introjecté et le mauvais objet projeté au-dehors. Elle rend compte d’un moi fragilisé, submergé par l’angoisse. La perte du père mobilise des pulsions agressives car l’adolescent dépendant lutte contre l’angoisse de perte réelle et il s’opère un retournement contre soi sous forme de conduites agressives (scarifications, malaise physiques, agressivité…) Ces conduites agressives manifestent des mouvements de haine pour fuir la souffrance de la perte et la haine fantasmatique que l’on peut rapprocher de celle de la mélancolie. L’investissement d’objet est ramené vers le moi qui s’identifie à l’objet perdu et comme dans la mélancolie, c’est le moi du sujet qui est jugé à la place de l’objet primaire et sa perte est celle du moi. La perte réelle contraint l’adolescent à donner du sens à la perte, à élaborer une « construction fantasmatique pour associer la douleur de la perte à une représentation ».[23] C’est pourquoi l’adolescent orphelin surinvestit l’objet perdu à rattacher aux premiers temps de la vie psychique. L’acte suicide du père confronte le fils et la fille à la destructivité dont la haine, ici, a une fonction destructrice qui soulève des sentiments de culpabilité. La scène du suicide expose la vie psychique des adolescents orphelins à la violence du père sur son enfant et à l’impasse de la résolution d’un conflit insoluble. Les affects dépressifs observés dans le récit, face à l’objet d’amour primaire qui manque, mettent en scène des possibilités de réparation.

Du point de vue de la psychopathologie, le suivi psychothérapeutique montre combien ces cinq adolescents manifestent des efforts pour organiser leur monde interne.

Dans une perspective psychodynamique, le dispositif thérapeutique propose les conditions intersubjectives pour que se déploient la vie psychique et les effets positifs et négatifs du traumatisme, leurs angoisses archaïques d’abandon et d’effraction psychique traumatique. Ainsi, le dispositif thérapeutique a pour but d’encourager le sujet adolescent à lâcher les « défenses narcissiques » telles que R. Roussillon les définit dans sa conception de la thérapie face au sujet blessé. La spécificité du dispositif consiste à considérer l’objet interne, ressenti comme une présence intérieure intrusive et persécutrice, pour l’aider à penser ce qui le persécute. Le thérapeute se représente comme un tuteur « suffisamment bon » au sens de D. W. Winnicott (1969, 1971), sollicite la mise en représentation de la perte, la douleur et la mort.

Le cadre thérapeutique ouvre une voie à l’expression de la colère, à la décharge pulsionnelle. Les rencontres cliniques rendent compte des mécanismes de défense utilisés par les adolescents. Je note qu’ils sont d’ordre projectifs marqués par l’identification projective et la projection, c’est-à-dire l’externalisation des conflits psychiques. Ces mécanismes de défense permettent de réguler les affects douloureux et lutter contre la réalité psychique, le sentiment de culpabilité et l’angoisse d’avoir pu souhaiter la mort du père et de le perdre par sa faute.

Le récit des adolescents endeuillés est porteur de représentation concernant les imagos parentales, dont les plus caractéristiques, concernant mon étude, sont à la fois l’insuffisance d’étayage et le manque d’investissement libidinal de la part de la figure paternelle.

La question que pose chaque adolescent renvoie à la pulsion épistémophilique, celle de savoir comment et à partir de quels événements psychiques ou de la vie réelle, un jour, le processus qu’avait garanti à ces pères, une sorte de contention à la conflictualité interne, a cessé de pouvoir transformer ces mouvements pulsionnels et les a précipités, pour quatre d’entre eux, une unique fois, par l’acte de pendaison, à retourner contre eux le mouvement intérieur meurtrier.

Le sentiment de persécution pourrait être entendu comme de la psychose mais peut être pris comme une tentative de reconstruction du côté de l’imaginaire, du côté du père mort, présent-absent.

Le travail de deuil consiste en un désinvestissement pulsionnel de l’objet réel, une déliaison des affects de haine et d’amour au cours d’un processus progressif. La séparation d’avec cet objet ne peut tout d’abord se faire qu’à travers un processus d’identification à l’objet (Freud S, 1915, 1923) et d’introjection à l’objet (Abraham K, 1924).

Le mouvement de désinvestissement de l’objet réel et le mouvement d’intériorisation symbolique conduisent le sujet adolescent à entrer en dialogue de manière intrapsychique avec la représentation intériorisée de l’objet perdu. Cependant, le suicide de la figure paternelle fige la relation réelle.

Pour conclure, la clinique des adolescents orphelins de leur père mort après suicide est d’une grande richesse pour mettre à l’épreuve la métapsychologie du processus d’adolescence, celle des limites et des liens, la clinique du traumatisme psychique et la clinique du deuil.

Au terme de cette analyse et synthèse, il s’agit de dégager la trame qui me permet de repérer les conduites et les processus psychiques à l’œuvre, sollicités dans des conditions traumatiques, c’est-à-dire après le suicide du père.

De ma première hypothèse sur le retentissement psychique du suicide de la figure paternelle sur le processus d’adolescence peut se dérouler l’ensemble des résultats. J’ai mis en évidence que le sujet adolescent ressent l’absence de l’objet primaire paternel comme une présence intérieure persécutrice. Cette présence intérieure menace de culpabilité persécutrice les objets internes du moi, ainsi que le processus pubertaire qui aurait dû mener l’adolescent vers un travail de séparation d’avec les parents.

Les adolescents participant à l’étude clinique, traversent l’épreuve affective majeure du suicide de leur père, l’expérience douloureuse de la séparation, de la perte et du deuil. Néanmoins, la mort étant, comme une présence insoutenable, dans un temps présent difficile, rempli d’angoisse, il subsiste un travail psychique propre au processus d’adolescence. Il s’agit de la constitution de la sexualité génitale, de la structuration œdipienne de la différence des sexes et des générations. Ce travail psychique n’est pas totalement réalisé. Il s’avère différent selon la résonance singulière et subjective qu’a prise la mort du père sur la vie psychique du sujet adolescent. Suite à la rencontre avec le réel de la perte de l’objet d’amour primaire paternel, le mouvement pulsionnel conduit les adolescents à l’explosion de la liaison entre le dehors et le dedans. L’objet interne, c’est-à-dire l’objet primaire perdu, dont ces adolescents orphelins ont à vivre le deuil pour pouvoir s’en séparer, est devenu trop présent.

Au cours de mon étude clinique, des questions sont restées en suspens qui indiquent des perspectives ultérieures de recherche auprès des adolescents endeuillés.

Je suis parvenue à ce point de conclusion avec la conviction de la nécessité de proposer des modalités de traitement spécifique, non pas comme une fin en soi pour ces adolescents devenus orphelins mais comme une voie qui favoriserait le travail de symbolisation et de refoulement. Au-delà d’une compréhension des conduites des adolescents orphelins, le recours à l’acte mis en place par ces adolescents, permet le repérage de la liaison-déliaison entre le dehors et le dedans. Le recours à l’acte des adolescents tente de résoudre une tension psychique traumatique non symbolisée en la réalisant dans le réel.

Les adolescents prénommés Christopher, Louis, Éline, Iris et Perrine ne cessent de s’adresser à leur père. La force du souvenir ranime la représentation du père mort et la douleur fait retour. L’absence dure. J’entends et j’écoute la distorsion singulière du temps et du discours de l’absence irréversible du deuil.

En effet, l’être aimé, le père, est à la fois absent et présent de façon insoutenable. Néanmoins, la distorsion du temps peut être transformée par le langage qui naît de l’absence. Or, il n’y a d’absence que de l’autre : « c’est l’autre qui part, c’est moi qui reste ». Le sujet adolescent semble figé entre deux temps : le temps de la référence, le passé : « Papa est mort ! » et le temps de la présence, comme un temps d’angoisse puisqu’il s’adresse à lui : « Tu es là ! ».

La distance entre le corps mort du père et celui vivant du sujet adolescent, se recompose par une élaboration lente du sentiment de culpabilité, du désir de mort et de la peur de mourir. L’adolescent en deuil veut conserver quelque chose de l’objet d’amour primaire disparu. La douleur du deuil se réveille. Les images s’inscrivent dans le conflit de la mémoire. Mis en suspens, le temps psychique est assujetti à différents temps, nécessaires pour transformer la traversée du deuil en un travail de symbolisation à laquelle une signification peut être donnée. Il faudra le temps de l’adolescence et bien au-delà pour que ces temporalités se rassemblent et que le sujet adolescent retrouve un temps propre.

La temporalité et la perte des repères psychiques sont d'autant plus perturbées que l’adolescent endeuillé doit réaliser un travail d'une prodigieuse violence et particulièrement déstructurant pour lui. En effet, dans une double identification, l’adolescent s’identifie à la figure paternelle défunte pour tenter de comprendre l’indicible et l’irreprésentable afin que l’acte suicide soit réintroduit dans une signification. Il en ressort que l'expérience traumatique constitue une zone de grande vulnérabilité psychique et corporelle en ce que le corps du sujet adolescent se retrouve dans sa situation de contenant archaïque plus ou moins désorganisé et d'expression des affects (manifestations de symptômes) au sens du « Moi-peau »,[24] en tant que structure intermédiaire de l’appareil psychique.

Cependant, l’étude clinique met en évidence un réinvestissement libidinal qui commence par l’investissement scolaire, dont la réussite est unanime pour les cinq adolescents participant à la recherche.

Pour conclure, des perspectives ultérieures de recherche pourraient étudier les facteurs de résilience chez les adolescents endeuillés de leur père mort après suicide comme  l’étude de D. Derivois qui analyse les processus de résilience et les processus créateurs des adolescents.[25]

 Je souhaite clore mon étude clinique sur l’importance de la mise en place d’un suivi psychothérapeutique pour tous les adolescents confrontés à l’expérience traumatique du suicide de leur père.

 

 

 

 

 

 

 

[1] www.atergatis.fr : Atergatis a été créé en 2011/2012 par des professionnels  sensibles à la question du suicide et du deuil. Il est conçu pour apporter des informations sur le chemin du deuil chez l’enfant et chez l’adolescent. Les différents chapitres qui le composent s’adressent aussi aux proches mais aussi aux professionnels qui accompagnent ces jeunes. La spécificité de ce site se définit par le suivi systématique des messages déposés sur le « forum » et une réponse est rédigée pour chaque message déposé. Forum : « Ma mère ». Atergatis est soutenu par la Fondation OCIRP.

[2] De Kernier N., 2008, « Quête d'intimité à l'adolescence et imagos parentales intrusives », Dialogue, 2008/4(n°182), Toulouse, érès, p. 89-103.

[3] Ciccone A., Ferrant A., 2009, Honte, Culpabilité et Traumatisme, Paris, Dunod, 243 p.

[4] www.atergatis.fr, Forum : « 12 ans plus tard ».

[5] Expression anglaise utilisée pour désigner dans les jeux vidéo, la résurrection des personnages. Dans certains jeux, le joueur peut-être amené à voir mourir son personnage. Le terme respawn peut désigner : le temps avant respawn (intervalle de temps entre la mort d’un personnage et son retour sur le niveau ; le lieu de réapparition du personnage ressuscité, démuni d’armes puissantes et donc plus facilement tué. De plus le tueur bénéficie de l’effet de surprise. Wikipédia.

Respawn : verbe anglais « to (re)spawn » signifie « se démultiplier ». Le « respawn » d’un monstre désigne le délai après lequel la créature réapparaîtra après avoir été éliminée une première fois.

On peut penser à Christopher en ce qu’il serait, au moins partiellement, la réapparition de son père à travers la souffrance et le besoin de vengeance de l’adolescent.

[6] Camus A., 1960, Le premier homme, Cahiers Albert Camus VII, Paris, Gallimard, 1994, 331 p, p. 328-331.

Louis Germain instituteur a représenté pour A. Camus, un référent fondamental pour sa construction identitaire et narcissique depuis son enfance jusqu’à l’adolescence. A. Camus témoigne sa reconnaissance et rend hommage à Louis Germain en écrivant une lettre de gratitude quelques jours après avoir reçu le Prix Nobel de Littérature en 1957.

[7] www.atergatis, Forum : « Moments difficiles ».

[8] Freud S., 1920g, Op. Cit., p. 71. 

[9] Freud S., 1920g, Op. Cit., p. 74. 

[10] Laplanche J., Pontalis J.-B., 1988, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, Puf, 523 p, p. 122-123.   

[11] Winnicott D. W., 1965, La crainte de l’effondrement et autres situations cliniques, Paris, Gallimard, Coll. Connaissance de l’Inconscient, 2000, 373 p.

[12] Winnicott D. W., 1965, Op. Cit., p. 209.

[13] Winnicott D. W., 1965, Op. Cit., p. 214.

[14] Winnicott D. W., 1965, Op. Cit., p. 210.

[15] Winnicott D. W., 1965, Op. Cit., p. 214.

[16] Botella C., Botella S., 1995, « Sur le processus analytique : du perceptif aux causalités psychiques », Revue française de psychanalyse, Paris, Puf, 1995/2, n° 59, 279 p, p. 349-366, p. 359.

[17] Freud S., 1912-13a, Op. Cit., p. 96.

[18] Freud S., 1909, « Le roman familial des névroses », Névrose, psychose et perversion, Paris, Puf, 1973, p. 157-160.

[19] Le déni de la réalité constitue un mécanisme de défense fréquent au début de la confrontation à l’expérience de la perte. Ce déni permet de protéger la psyché du traumatisme qui l’atteint. La prise de conscience de la réalité de la perte initie le travail de symbolisation.

[20] Grinberg L., 1963, Op. Cit., p. 224.

[21] Grinberg L, Op. Cit., p. 143.

[22] Obermann., 1804, Lettre XI, « Le matin de la vie », Trésor des Lettres, XIXème siècle, coll. P. Bennezon, Paris, Fernand Nathan, 1968, 625 p, p. 6-7.

[23] Chabert C., 2006, Op. Cit., p. 120.

[24] Anzieu D., 1985, Le Moi-peau, Op. Cit.

[25] Derivois D., et al., 2011, « Résilience et processus créateur chez les enfants et adolescents victimes de catastrophes naturelles en Haïti », L’Autre, volume 12, La Pensée sauvage, 120 p, p. 77-79

 

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